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Château Commandeur

Découvrir une demeure laissée dans son jus est toujours un grand moment d’excitation. Lorsqu’il s’agit d’un château auréolé d’histoire et de faits marquants, c’est le graal. Avec ses tours imposantes, avalées par la végétation, ses escaliers en pierre et sa foule de symboles ornant son architecture, ce Château du Temple appartient sans hésiter à cette seconde catégorie. En l’approchant à pas feutrés, nous savions déjà que nous étions prêts à fouler le sol d’un lieu peu commun. Visite guidée.


Dire qu’il fait calme alors que nous marchons vers la propriété serait un euphémisme. Il n’y a pas un bruit aux alentours, tout au plus entend-on quelques cloches tinter au cou des vaches qui accourent à notre passage, à part ça, rien. Pas une voiture, pas un passant. L’été indien semble bien nous garantir une discrétion optimale. Une fois près de la demeure, nous scannons encore les environs : déserts. Nous entrons sans bruit et un frisson nous parcourt aussitôt.

Si les premières pièces sont extrêmement sombres et en désordre, c’est pour mieux nous inviter à emprunter l’escalier à colimaçon tout en pierre qui nous emmène irrémédiablement vers l’époque médiévale. Son aspect brut rappelle la nature défensive du château lorsqu’il fut construit au XIIIe siècle. Nous évoluons en plein milieu d’une pépite historique, un peu intimidés, un peu mal à l’aise, cela fait longtemps que ça ne nous est pas arrivé.

Au premier étage, nous découvrons une chambre qui semble endormie depuis des décennies. La première image que nous en avons est curieuse, car face à la porte, entre les deux rideaux qui encadrent la fenêtre git une ancienne baignoire en zinc, probablement du XIXe. Des araignées ont tissé un tapis de toile entre les volets et la baignoire. A-t-elle toujours été là où l’a-t-on stockée ici lorsque le bâtiment a été vidé de ses occupants ? Nul ne le sait.

Outre un petit lit en bois, la pièce est meublée d’une coiffeuse surmontée d’une peinture religieuse et d’une grande cheminée sur laquelle est posé un ancien poste de radio dont on distingue à peine les détails sous la couche de poussière qui le recouvre. Nous détaillons les objets, émerveillés comme des enfants qui s’aventurent dans une pièce interdite.

Nous faisons ensuite irruption dans la pièce qui nous a attirés jusqu’ici : une galerie couverte aménagée lors du remaniement du château au XVIIIe est dans laquelle des dizaines et des dizaines d’objets parfois plein de nostalgie, parfois complètement anachroniques sont stockés. La lumière douce de la fin de saison entre par les grandes fenêtres arrondies qui jalonnent le couloir. Nous en prenons tellement plein les yeux que nous restons ébahis un bref instant.

Parmi les œuvres et objets en vrac, une cage à oiseaux est posée à même le sol à côté de cette jolie statue de femme à moitié brisée qui semble contempler impassible les dommages du temps sur son corps. Face à elle, sur une vieille table en bois, de nombreuses peintures prennent la poussière aux côtés d’animaux en bronze et de ce curieux lit miniature. Tout au long du couloir, là où jadis devaient être accrochés les manteaux et les habits de chasse, des armatures de cadre dépouillées de leurs toiles sont suspendues, comme s’ils étaient mis à sécher ou attendant une nouvelle affectation. Cet arrangement atypique prête à sourire et pose de nombreuses questions qui demeurent sans réponse.

Au fond de la galerie, la toiture n’a pas résisté aux affres du temps et aux éléments naturels. En partie éventrée, elle a permis à la mousse et à la végétation de se répandre sur le sol et les murs. Nous avons d’ailleurs constaté à l’étage inférieur que les fondations de la galerie étaient fragilisées par l’humidité et menacent déjà de céder à certains endroits. Si rien n’est fait elle risque bien de gangréner une partie du bâtiment et d’accélérer sa perte. Pourtant, ce château à la riche histoire fait partie du patrimoine. Dans un coin, une trottinette vintage attend de partir vers de nouvelles aventures sur les chemins de campagne. Mais pour l’heure, seule sa rouille se pose encore sur elle.

Nous arpentons une autre aile qui est bien mieux préservée que le reste. Ici, on pourrait croire que la vie continue son cours. Les chambres sont proprettes, à l’image de celle-ci, qui a la particularité d’abriter un énorme coffre-fort. Seules quelques bandes de papier peint se détachent signe de la négligence du lieu.

Bâti tout d’abord comme une commanderie avant d’être récupéré par les Hospitaliers, le château a été mis à sac à plusieurs reprises. Au XIXe, il devient une propriété privée et est alors remanié en profondeur, même s’il conserve de nombreux vestiges de son histoire templière. Des mystères demeurent sur son histoire, comme sur le contenu du coffre-fort. Peut-être la clé est-elle sous notre nez ?

Chaque chambre possède sa propre ambiance, une atmosphère bien à elle qui nous apaise, nous interloque… où nous oppresse ! Ainsi, d’une petite chambre coquette et champêtre, bercée par une jolie lumière douce, nous passons à une autre, plus stricte dans son agencement et sombre mais où trône une collection de poupées en porcelaine pour le moins malaisante et une curieuse collection de cochons de tous types et toutes matières. Certains objets ne sont pas si vieux et nous découvrirons par la suite que le château a été occupé jusqu’au début des années 2010, peut-être de façon occasionnelle.

Un étage plus haut, cette double chambre un peu austère affiche surtout un déclin plus prononcé. Les dégâts à la toiture et l’infiltration d’eau ont commencé leur œuvre, noircissant le plafond et les murs d’inquiétantes auréoles. Signe de la difficulté de vivre dans un tel château à toute saison, l’immense âtre occupe une place considérable dans la pièce. On imagine aisément le feu qui devait y crépiter pour réchauffer les occupants des lieux. Aux murs, de nombreux portrait d’ancêtres et d’ecclésiastes nous observent un peu hautains, comme pour nous reprocher l’aisance que nous avons gagnée au fur et à mesure de notre visite.

De retour au rez-de-chaussée, nous tombons nez à nez avec la gardienne des lieux : une sculpture, presque à échelle humaine, qui paraît tantôt menaçante, tantôt bienveillante selon la manière dont la lumière la touche. Nous ne pourrons malheureusement rien trouver sur son origine ou son identité. Si vous avez des pistes, n’hésitez pas à nous les faire savoir…

Après nous être arrêtés devant ce piano plongé dans l’obscurité sous les alcôves de ce petit salon, l’heure est venue de nous éclipser. Le temps ici semble s’être un peu suspendu et la sensation de retrouver la lumière du jour, le vent, la nature en pleine effervescence, nous provoque un léger tournis. Nous contemplons encore le bâtiment de l’extérieur, comme si nous cherchions à réaliser que nous y étions pour de vrai, quelques secondes plus tôt.


En nous frayant un passage à travers les hautes herbes pour regagner la route, nous nous retournerons de nombreuses fois pour admirer les tours, dépassant à peine de la végétation, jusqu’au moment où nous n’apercevrons plus rien, comme un mirage volatilisé en un clignement de paupière. Le château est retourné à son anonymat, à sa quiétude, ne nous laissant que quelques clichés et beaucoup de souvenirs.


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