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Photo du rédacteurSilent Explorers

Les Reines Du Bal

Dernière mise à jour : 30 juin

Cet article vous invite pour une dernière danse. Imaginez, il est 3h du matin, la soirée touche à sa fin, l’orchestre joue un ultime morceau. Vous êtes lessivé mais la semaine de travail a été dure et vous ne savez pas quand la prochaine occasion de vibrer sur la musique se représentera. Le sentiment vous est familier, pas vrai ?


C’est certainement la même émotion qui a traversé les habitants d’Allemagne de l’Est au lendemain de la chute du Mur. Profitant d’une dernière soirée comme ils en avaient l’habitude, mais conscients que leurs vies allaient changer pour de bon, sonnant le glas des gaststätte et des kulturhauses dont ils étaient friands. Ce soir-là, le rideau allait tomber définitivement sur les Ballsäle.


Nous sommes au 4e jour de notre road trip en Allemagne avec P. et, bien que ce matin commence à l’aube, nous sommes tous les trois excités. Et pour cause : c’est aujourd’hui que nous commençons notre série de visites des Ballsäle, ces salles de bal typiques de l’ère communiste et tombées en désuétudes au début des années 1990. Si on le voulait, on pourrait ne remplir un voyage qu’avec elles tant il y en a à découvrir en bord de route. Mais comme nous aimons la diversité et que nous avons déjà un planning bien chargé, nous nous limiterons cette fois à 4. Musique !


BALLSAAL LÉGO

Notre journée commence par l’une des salles de bal les plus connues du paysage urbex : la Légo - qui doit bien entendu ce nom urbex à son plafond qui semble constitué de blocs multicolores du célèbre jeu de construction. L’arrivée sur place n’est pas simple : située au bord d’une grand route très passante, nous devons prendre notre mal en patience afin de pouvoir nous faufiler en toute discrétion.

Une fois infiltrés, nous arrivons au premier étage – les ballsäle se trouvent en général toujours à l’étage – où nous découvrons pour la première fois cette pièce dont les photos nous ont si souvent fait rêver. Ici, les piliers sont stables, mais le sol et le plafond ont été transformés en véritables gruyère au fil des infiltrations d’eau et des intempéries. Nous identifions un chemin qui a l’air sûr pour traverser la salle et marchons à la queue-leu-leu sur le parquet où virevoltaient autrefois les valseurs amateurs.

Face à la scène, accroupis pour ne pas être vus des automobilistes qui passent sur la route, nous prenons conscience du déclin qui a déjà fortement gangréné le bâtiment. Construit à la fin du XIXe siècle, ce gaststätte permettait de loger les voyageurs de passage et offrait cette salle de bal colorée aux gens du village où il était d'usage de célébrer les mariages, les anniversaires et autres événements musicaux. Épicentre de la vie culturelle et sociale, chaque village disposait de sa gaststätte où les villageois se rassemblaient le week-end et dansaient ensemble.

Le shooting à 3 est assez ardu, le bâtiment est tellement sensible qu’il faut veiller à ne pas bouger durant une prise de vue pour ne pas faire trembler les appareils photos. Après une bonne heure, nous retraversons la salle avec précaution, un dernier regard par-dessus l’épaule comme pour dire adieu à cet incroyable damier multicolore qui, bientôt, finira par s’effondrer.

BALLSAAL HALLIGALLI

Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant un bâtiment qui émerge péniblement d’une végétation danse. Les alentours sont particulièrement calmes et c’est sans aucun stress que nous nous infiltrons dans la brousse. L’escalier qui mène au premier étage est partiellement effondré. Les blocs de pierre sur lesquels nous prenons appui ne sont guère stables et nous imaginons qu’à tout moment, ils peuvent nous entraîner dans leur chute. Mais une fois arrivés en-haut et franchi le seuil, le spectacle est grandiose !

Construite durant la deuxième moitié du XIXe siècle, cette salle jouxte une auberge qui accueillait les voyageurs. L’état du sol nous a empêché de pousser plus loin la visite tellement le déclin du lieu est avancé. Nous sommes donc restés dans la salle de bal, captivés par ses éléments décoratifs et la peinture rose qui lui donne une douce atmosphère.

La scène, dont le plancher s’est entièrement affaissé, rongé par l’humidité, est surmontée de deux cariatides qui supportent l’arche en plâtre. On imagine ici sans peine les valses qui devaient faire tourbillonner les robes et chavirer bien des cœurs.

Rencontre de passé et de présent en même temps que témoignage du désintérêt général pour ces lieux qui furent autrefois les centres névralgiques des villages d’Allemagne de l’Est, des artistes street art se sont invités ici, s’appropriant le mur derrière la scène pour y laisser une trace qui disparaîtra le jour où le bâtiment s’écroulera pour de bon.

BALLSAAL SANDKORN

Une poignée de minutes plus tard, nous arrivons devant la troisième et dernière salle de bal de la journée, baptisée Sandkorn (grain de sable) par les urbexeurs. Ici, la ville est un peu plus importante, la circulation plus danse et – il nous semble à première vue – l’accès plus compliqué. Au final, il nous suffira d’y aller au culot en entrant avec aplomb comme si les lieux nous appartenaient. Le voisinage ne se soucie guère de qui rentre ici ni de ce qu’il peut advenir de cette verrue qui gâche désormais leur paysage.

En passant par le rez-de-chaussée, nous prenons conscience de la stabilité précaire du bâtiment. Il nous faut enjamber des monticules de gravats tombés de l’étage supérieur. L’ascension est risquée, nous nous en rendons compte, mais nous décidons de tenter le coup, sachant que le jeu en vaut la chandelle.

Une fois en haut, à pas de souris pour ne pas faire davantage trembler le sol, nous arrivons au centre de la salle. Plus ancienne, celle-ci a été construite vers 1870. Son haut plafond, riche en éléments en stuc, son balcon, soutenu par une forêt de colonnes en acier dont certaines fléchissent désormais dangereusement, lui apportent un caractère plus prestigieux encore qu’aux salles que nous avons visitées juste avant. On imagine que ce lieu n’était pas fréquenté par n’importe qui à l’époque et que les danses de salon devaient y être fabuleuses.

Un camion passe sur la route qui borde le bâtiment et on sent toute la structure vaciller. Le plancher tremble sous nos pieds, quelques gravats tombent encore du plafond. Pour nous, c’est l’heure de prendre la poudre d’escampette. On n’aimerait pas être là le jour où cette beauté s’effondrera… comme un château de sable.


BALLSAAL MELODIE

Le lendemain nous arrivons à proximité de notre 4e et dernière salle de bal. Si d’autres étaient prévues au programme, nous avons eu la surprise de découvrir que la boule de démolition était déjà passée par là, laissant un terrain impeccable, sans aucune trace de ce qui avait été autrefois un antre de convivialité et d'amusement.

Contrairement aux 3 autres salles de bal, la partie gasthaus est ici plus facile à explorer, moins dangereuse… Quoique. La salle de réception dispose comme toujours d’une scène où s’installait autrefois l’orchestre. La voûte qui surplombe la scène est crevée, laissant s’infiltrer l’humidité ou, comme ce matin-là, les rayons du soleil.

Une décoration en fer forgé représentant des notes de musique et une clé de sol garnit le bas de la scène, donnant son nom à cette ballsaal. On sent dans ce lieu une atmosphère plus simple qu’à Sandkorn par exemple et on imagine très bien à quel point l’endroit devait être vivant lorsque les habitants du village se réunissaient à la buvette ou au petit restaurant qui jouxte la salle de danse.

Il ne reste d’ailleurs que quelques tables épargnées par la chute du toit consécutif, semble-t-il, à un incendie. Si la cuisine a bien souffert elle aussi, les étagères sont restées relativement organisées, alourdies de jarres et de conserves.

Malgré l’état de l’escalier noirci par la suie et les morceaux de plafonds qui s’effondrent, nous nous hasardons à l’étage pour jeter un œil aux chambres qu’occupaient les hôtes. Nous découvrons avec plaisir cette petite chambre garnie de lits superposés qui s’enfoncent inexorablement dans le sol. Au centre de la pièce, une fougère pousse tranquillement, certaine de ne plus être délogée par un voyageur de passage.

Avec ces salles de bal, c’est tout un pan de l’histoire est-allemande qui s’effondre inexorablement dans l’indifférence générale. Témoins d’une époque, de coutumes et de traditions, elles ont fleuri dans une période de prospérité et ont vibré au rythme des danses et des réjouissances locales jusqu’à la chute du Rideau de Fer. De ciment social, elles sont passées au statut de gravats, de ruines sans valeur, nous rappelant que toutes les danses, même les plus belles, finissent toujours par s’arrêter.



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