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Resto Mégalo

Dernière mise à jour : 12 nov. 2023

Au registre des visites atypiques, l'exploration de ce restaurant figure en bonne place... Imaginez plutôt: un lieu qui réunit un décor inspiré de figures mythologiques et d'oeuvres de Leonardo Da Vinci et Michelangelo, une discothèque gothique logée dans une ancienne chapelle et deux avions et un hélicoptère prenant peu à peu la rouille. Cela ressemble à trois visites différentes et pourtant, il ne s'agit que d'une seule. Bienvenue au Resto Mégalo!


Nous arrivons sur place en milieu de journée. Ce lieu est l'avant-dernier de notre road-trip d'une semaine en Italie et nous sommes à mi-chemin entre épuisement et excitation... Avant d'y mettre le pied, nous ne savions pas encore ce que nous pensions de cet endroit. Beau ou pas? Son côté kitsch pouvait être un argument en sa faveur comme en sa défaveur. Mais quoi qu'il en soit, des épaves d'avions, c'est toujours chouette et nous sommes donc tous les 3 (car P. est avec nous) comme des enfants à qui on a promis un tour de manège!

Dès notre arrivée sur le site, le spectacle est saisissant... L'esplanade qui accueillait ce restaurant ouvert en 2000 n'a pas été conçue pour être désertée. On dirait que tout est suspendu, comme au lendemain d'un cataclysme. Et pourtant, le bruit des voitures passant sur l'autoroute toute proche nous prouve le contraire. Compte tenu de la surface des lieux, nous nous séparons afin de ne pas nous gêner et nous nous dirigeons tout d'abord vers le restaurant sur le thème Renaissance.

Au rez-de-chaussée, le kitsch et l’histoire se disputent la vedette. Construit sur les vestiges d’un ancien couvent, le restaurant rend hommage aux grands maîtres de la Renaissance ainsi qu’à quelques-uns des mythes grecs et romains, grâce à des plâtres et des toiles réalisés par des étudiants des Beaux Arts.

Du David à la Victoire de Samothrace qui s’invite dans l’escalier, tout est fait pour plonger les clients dans l’ambiance. Et ils furent nombreux à s’y presser dans la première décennie du 21e siècle. Grâce à son cadre hors du commun et à une carte réputée de qualité, le lieu n’a pas eu de mal à séduire les locaux.

Mais c’est surtout le premier étage qui nous intéresse avec sa dernière Cène reproduite en situation réelle, ses tables-confessionnal ou en palette de peintre et sa colossale statue de Zeus qui préside la salle de réception. Étonnamment, ce kitsch assumé a son charme et on imagine bien pourquoi le restaurant a été si prisé il y a quelques années.

Nous sortons pour retrouver l'air libre et ces deux improbables carcasses d'avions surmontées d'une tour de contrôle reconstituée. A l'origine de ce concept mégalo, G.S., brasseur passionné et inventeur d'un verre révolutionnaire qui réduit le degré d'alcool des boissons. Après avoir longtemps travaillé avec des personnes âgées, il réalise que beaucoup d'entre elles n'ont jamais mis le pied dans un avion et en nourrissent le rêve. Il décide alors d'offrir cette possibilité à chacun sans avoir à voyager.

G.S. achète alors un Douglas DC-6 et un Tupolev Tu-134-A à un collectionneur et les fait reconstituer sur son terrain où ils serviront de salles de restaurant, reliés entre eux par une tour de contrôle qui accueille les cuisines.

Le projet fou du brasseur fait recette mais très vite, la réalité se révèle moins idyllique… La configuration est peu pratique, limite les tables exiguës à 4 convives et rend la tâche des serveurs complexe et éprouvante. Sans compter que son projet hors-normes fait grincer les dents de la municipalité qui l’attaque en justice et lui réclame une amende à la hauteur de sa démesure.

La flotte du restaurant est complétée par cet hélicoptère Agusta AB47J-3 Super Ranger qui, comme les deux avions, prend aujourd'hui la rouille et subit les assauts du temps.

Comme en atteste ce bassin verdit dans lequel se reflètent les carcasses usées par le temps, l'histoire de ce projet ambitieux est avant tout celui d'un naufrage. Au terme d'une éprouvante bataille juridique qui dura 14 ans, G.S. tombe en faillite et laisse sombrer dans les abysses de l'oubli cet improbable paquebot. Il faut aussi dire qu'au fil des années, acculé par les problèmes juridiques, la qualité de la carte s'est dégradée et que les clients se sont raréfiés.

Dernière partie de notre visite, cette discothèque gothique installée au cœur de la chapelle de l’ancien couvent où les beats des années 2000 ont un temps pris le relais des cantiques avant de laisser le lieu retomber dans le silence et retrouver sa paix initiale.

Fermé définitivement en 2014, le complexe n'a depuis lors plus attiré que les explorateurs urbains et, plus récemment, des casseurs qui ont réduit en gravats les statues réalisées par les étudiants des Beaux Arts. La salle de restaurant telle qu'elle apparaît ici est aujourd'hui méconnaissable, tant elle a été vandalisée. A ce jour, aucun projet de reprise n'est à l'étude et ce rêve fou a définitivement viré au cauchemar.

Notre visite se termine de façon un peu abrupte... Alertés par une voiture stationnée dans l'allée, nous filons à l'anglaise sans demander notre reste.


En reprenant la route vers le spot suivant, nous aurons toujours du mal à définir ce que nous avons pensé de ce lieu. Contrairement aux manoirs ou châteaux que nous avons l'habitude d'explorer, il n'y ici pas de véritable valeur patrimoniale. A l'inverse des maisons que nous adorons, ce mastodonte n'est pas chargé en intimité ou en histoire touchante. Et pourtant, il a le charme des lieux atypiques dont on garde le souvenir en mémoire plus qu'au cœur.


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